Tous les états

Confidences en confinement


Évidemment ce jeudi soir, avec la toute première intervention d’Emmanuel Macron, on a tous un peu pris une douche froide. On s’est inquiété pour tout, pour la santé de nos proches et celle de Rosemood. 

Atelier Rosemood

Article rédigé entre le mercredi 18 mars et le vendredi 27 mars.

Évidemment ce jeudi soir, avec la toute première intervention d’Emmanuel Macron, on a tous un peu pris une douche froide. On s’est inquiété pour tout, pour la santé de nos proches et celle de Rosemood. On a vu notre chiffre d’affaires s’écrouler direct, bien comme il faut, et on a mis un peu de temps à réaliser ce qu’il fallait faire pour assurer la sécurité de nos équipes.

Il paraît d’ailleurs tellement loin, ce jeudi soir, tellement les choses se sont accélérées depuis. C’est allé crescendo, mais à une vitesse folle, comme pour tout le monde. On a donc progressivement proposé puis imposé le télétravail, pendant qu'Édouard Philippe en remettait une (sacrée) couche le samedi soir. Histoire de bien nous faire culpabiliser d’être allé voir des amis, une dernière fois.

Jongler avec l’incertitude

Le dimanche 15 mars, alors que le chiffre d’affaires continuait gentiment de s’effondrer, et qu’on avait traité la partie facile avec le télétravail des équipes à Nantes, il nous fallait décider pour notre atelier d’impression (situé au Nord de Nantes, et où travaillent une quinzaine de personnes). L’atelier était encore resté ouvert le vendredi : devait-on maintenant le fermer ?  

C’est là où, à la fois, on s’est sentis ultra-soutenus, mais où on s’est aussi sentis un peu perdus. Ultra-soutenus car Macron nous avait complètement rassurés sur la pérennité de Rosemood. On allait évidemment y perdre des plumes, comme les banques et les salariés, mais l'État allait être là, et ce n’est - financièrement - “qu’un” (gros) mauvais moment à passer.

Gregoire Monconduit Atelier Rosemood

Mais un peu perdus aussi pour décider si l’on devait continuer à imprimer dans notre atelier ou pas. L’exécutif disait clairement que les salariés ne pouvant pas télétravailler, pouvaient se rendre sur leur lieu de travail habituel, tout en respectant les gestes barrière. Mais inutile de vous dire que nos processus n’étaient pas encore Covid-Friendly en ce dimanche de municipales et de presque printemps : on a donc décidé de fermer l’atelier le lundi 16 mars, le temps de trouver des solutions avec les équipes.

Tenter de résoudre l’équation (et mal dormir)

Des solutions, on en a trouvé plein, et qui nous semblaient pas si mal même si nous ne sommes pas médecins ou épidémiologistes. On allouait chaque machine à une personne et pas une autre, les distances étaient respectées, et à chaque fois que le papier devait changer de mains (gantés), par exemple entre l’impression et la découpe, alors on le laissait passer la nuit sur une étagère de transition. Le temps que le virus plie bagages.

Les équipes étaient prêtes à essayer. Mais le lundi 17 mars au soir, c’est la déclaration de guerre, l’annonce du confinement, et aussi la première fois que l’on pense que l’on aura des “règles” à appliquer pour des entreprises comme la nôtre. Alors après l’intervention du Président, on annonce aux équipes que l’on ferme aussi le mardi, le temps de prendre connaissance de ces règles, et de voir si on est en mesure de les appliquer. Et donc d’assurer la sécurité de tous.

Officiellement, on pouvait décider de ré-ouvrir notre atelier le mercredi 18 mars. Puisque le télétravail n’était pas possible pour notre atelier. Mais on n’était pas à l’aise : quelle cohérence entre un ministre de la santé qui conseille alors de limiter nos contacts à 5 par jour, et la possibilité de travailler dans un atelier de 15 personnes ? 

Qu’est-ce qu’un contact ? Quelle cohérence entre un télétravail quasi-obligatoire pour les salariés de bureaux, et une possibilité de venir bosser dans une imprimerie ? Dans un commerce alimentaire ou une pharmacie, ok évidemment, mais dans une imprimerie qui fabrique des (magnifiques) faire-part et albums photos ? 

Avec quelle inquiétude est-ce que je préfère m’endormir le soir : celle de voir le chiffre d’affaires s’effondrer, ou celle de voir les équipes prendre des risques au travail ? On a donc “vite” tranché, et on a alors décidé de prolonger la fermeture de notre atelier, en continuant à travailler avec les équipes à distance pour peaufiner nos process.

Prendre le temps qu’il faut

Au milieu de cette grande lessiveuse, en ce deuxième jour de confinement, on avait alors besoin de prendre du temps. On devait encore atterrir, mûrir nos idées, bien nous projeter pour être complètement rassurés, nous et nos équipes, par ce que l’on était en train de mettre en place. Nos dispositions étaient peut-être les bonnes, mais nous avions besoin de digérer tout cela. Cette semaine du 16 mars, je vous avoue que c’était tout simplement trop. Nous pensions aussi que ce temps allait permettre aux autorités de clarifier leur message pour les entreprises dans notre cas. Attention d’ailleurs, je ne jette pas du tout la pierre : la situation était et est toujours incroyablement complexe, l'État devait gérer au plus urgent et traitait les sujets les uns après les autres.

 Il est parfaitement normal que toutes les questions n’aient pas été traitées dans l’immédiat : cela nous a simplement mis un peu plus de pression sur les épaules, en tant que dirigeants, pour trouver les bonnes réponses provisoires en attendant.

D’ailleurs, on n’a pas trop eu besoin d’attendre... Dès le jeudi 19 mars, Muriel Pénicaud #AuBoulot nous a bien fait comprendre qu’on n’était pas là pour profiter grassement du chômage partiel en nous tournant les pouces, mais qu’on devait retourner au boulot fissa. Sinon, pas d’indemnités… Bon on a quand même un peu senti l’angoisse monter un sein d’un gouvernement qui se demandait comment il allait payer tout ça (après moi je ferais leur boulot je serais déjà parti en syncope hein….)

Il aurait évidemment été préférable, d'un point de vue sanitaire, que le confinement ordonné soit total, pour que mêmes les activités non essentielles - comme la nôtre - ferment. Pour faire cela, il aurait fallu que l'État prenne en charge l'impact de telles fermetures, à court et moyen terme. Mais le gouvernement a vite réalisé, et nous avec, qu'il n'en avait pas les moyens. Il nous fallait donc maintenir une activité économique dans le pays, tout en protégeant nos équipes.

Un peu plus clair

Le positionnement de l'État est alors devenu clair : avec le dispositif de confinement en place, il espère réduire suffisamment la pandémie pour que les hôpitaux tiennent le coup, tout en ne payant "pas trop" de chômage partiel, et en n'arrêtant pas complètement l'activité économique.

Nous ne disons pas que nous aurions fait autrement : leur rôle est extrêmement difficile.

Mais nous devons aussi, en tant que citoyen, respecter ces consignes.

Pendant la deuxième semaine de confinement, celle du 23 mars, on a donc continué à travailler sur les process, et on s’est mis d’accord avec les équipes pour relancer la production le lundi 30 mars. Ça y est, on était pleinement à l’aise sur notre dispositif, et ce temps nous avait aussi permis de garder nos équipes deux semaines chez elles : autant de jours que la durée d’incubation maximum du virus. Nous pensons aujourd’hui avoir fait de notre mieux, au milieu de toutes ces contraintes, au milieu de ce tsunami, dans un pays où les moyens sont par nature, limités.

Nous allons donc repartir, en effectifs réduits, avec un chiffre d’affaires qui est vraiment loin d’être au top. Mais nous relativisons évidemment, car l’essentiel n’est pas là. Et nous sommes heureux d’avancer à nouveau.

Garder le cap, grâce à vous

Team atelier

Nous sommes aussi heureux et très touchés par tous les messages que vous nous avez envoyés ces derniers jours. Sachez que nous pensons aussi à chacun d’entre vous, comme vous pensez à nous. Et sachez aussi que vous allez pouvoir continuer à nous soutenir : en vous montrant compréhensifs envers notre service client si votre commande, passée avant le début du confinement, a un peu beaucoup de retard (...) ; et en profitant de ces journées pour rattraper 15 ans d’albums photos. N’hésitez mais alors vraiment pas... On pense même qu’on a beaucoup de chance de pouvoir compter sur vous à distance, alors que d’autres entreprises vont être beaucoup plus dans la difficulté.

Et puis surtout, quand ce sera vraiment fini, que ça repartira comme en quarante-(cinq), on pourra tous se retrouver et se promettre, en y croyant un peu plus, de revenir à l’essentiel.

 

Cet article est dédié aux soignants, envers qui nous sommes tellement redevables, et aux équipes de notre atelier, qui nous permettent de continuer à avancer